❝ we just want to know a little more about you. ❞
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Nom, Prénom
→ Della Gherardesca, Alessia
Date et lieu de Naissance
→ 18 octobre 1988, Firenze (Italia)
Âge
→ vingt-quatre ans
Profession
→ mannequin
Groupe
→ they work relentlessly.

❝ details of your incompetence do not interest me. ❞
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❝ A million girls would kill for this job. ❞
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PARTIE FACULTATIVE.

❝ you are in desperate need of Chanel. ❞
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❝ what makes you think I'm not interested in fashion? ❞
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« Sono le undici RDS accoglie tutti i dormiglioni in Italia! » Il est onze heures et RDS salue tous les lève-tard d'Italie! D’une main lourde, Alessia tâtonna le rebord de la table de chevet jusqu’à atteindre la radio qu’elle éteignit d’un geste brusque. Son bras retomba gauchement et elle resta un instant immobile, paupières ouvertes, prunelles figées au plafond en tentant de retrouver ses repères. Une nouvelle sonnerie stridente retentit bruyant dans la pièce, si fort qu’elle semblait résonner au plus profond de ses tripes, et la jeune femme étouffa dans son oreiller un gémissement plaintif. Qu’avait annoncé la radio, déjà? 8h? Ou 9? Elle se redressa pour attraper son téléphone et supprimer l’alarme avec agacement, mais se figea en plein mouvement : sur son écran clignotaient une série d’appels manqués et, en tête de sa liste de notifications du jour, un rendez-vous qu’elle avait complètement oublié.

Nunzio. Dio Mio, il lui en voudrait à mort. Le sol tanguait dangereusement sous ses pieds lorsqu’elle se leva d’un bond, l’arrière de ses genoux heurta le rebord de son lit tandis qu’elle se rattrapait de justesse au premier meuble venu pour rétablir son équilibre. Des réminiscences de la veille surgissaient des fins fonds de son esprit engourdi, lui rappelant cruellement sa culpabilité : elle avait cédé. Comme toujours. La journée de la veille avait été atroce et, de sortie avec des collègues le soir venu, elle s’était laissée tentée par leurs propositions, parce qu’elle était tendue et qu’une clope ne pouvait pas faire de mal.

Ce n’était pas qu’une simple cigarette, bien sûr. C’était du H, plus drôle, plus exotique, et elle s’était laissée enivrée par la sensation délicieuse de la fumée âcre s’infiltrant tranquillement dans son organisme. Ses sens s’étaient affinés de façon incroyable, merveilleuse et, en un instant, elle avait oublié pourquoi c’était si mal, pourquoi elle s’était promis d’arrêter alors que l’herbe ouvrait devant elle cet univers fascinant. Était-ce tout, ou y avait-il eu autre chose dans le verre qu’on lui avait servi? Une poudre blanche tournoyait encore à la surface lorsqu’elle l’avait pris entre ses paumes mais elle avait fait semblant de ne rien voir, puisque ne rien savoir équivalait à nier toute responsabilité. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’une éternité plus tard Cara s’était plainte de mourir de soif. Elle s’était rendue compte qu’elle aussi, et que les cocktails si délicieux soient-ils lui brûlaient la trachée au lieu de la rafraichir. Si bien que tout leur petit groupe s’était retrouvé à l’extérieur du club, à disserter d’une voie pâteuse à propos de la lune qui changeait de couleur et de forme et qui ne se laissait pas attraper, et des trottoirs trop hauts, et de l’impression désagréable que leur laissait le béton rappant leurs pieds nus. Mais elle était incapable de se rechausser : c’était trop extraordinaire, déroutant, de sentir ainsi la moindre aspérité, le moindre défaut, le moindre caillou ― aussi minuscule et insignifiant puisse-t-il être. La douleur explosait en elle et elle se sentait vivante. Ils avaient atteint un drugstore et tenté de faire semblant de ne pas être défoncés, mais leurs ricanements intempestifs attiraient sur eux le regard méfiant du vendeur et il les avait suivi jusqu’à ce qu’ils aient quitté les lieux, bouteilles d’eau en main. Sauf que l’eau, ce n’était pas assez. C’était comme offrir une goutte d’eau à un assoiffé dont l’âme tout entière tendait vers rien de moins qu’un oasis ― et leur oasis ils l’avaient trouvé. À bien y réfléchir, ce n’était qu’une simple fontaine. Mais sur l’instant Alessia y avait vu un bout de ciel. L’eau miroitait comme du cristal liquide illuminé par l’astre nocturne et les lumières de la ville et, irrémédiablement attirée, elle se souvenait s’y être retrouvée comme par magie. Une expérience incroyable que celle-ci. L’eau frappait contre sa peau avec la fougue d’un amant enfiévré, mêlant délicatesse et hardiesse. Elle n’avait pas la chaleur d’un autre corps, elle était glaciale, glaciale… et l’insupportable fraicheur avait fini par pénétré son épiderme aussi bien que la brume épaisse qui lui amollissait l’esprit.

Elle avait entendu les sirènes, vu les lumières des gyrophares à des explosions de flash blancs éblouissants qui l’avaient aveuglée. Le reste était plus ou moins flou. Son agent avait surgi sans crier gare, alerté elle ne savait comment, arrivé elle ne savait quand. Il lui avait recouvert le visage de sa veste et elle avait rigolé en se perdant sous les flots de tissu ouateux, tandis qu’il la forçait à la suivre. Elle se souvenait avec une acuité étonnante avoir buté contre le bord de la fenêtre avant de s’effondrer dans une voiture aux fauteuils plus ou moins confortable ― un coup d’œil lui fit apercevoir un bleu léger qui avait pris forme pendant la nuit. Puis des bribes d’un sermon s’entrechoquaient dans ses souvenirs, mais elle savait ne l’avoir qu’à peine entendu parce qu’elle avait ri, ri, ri encore, emportée par sa folie douce, avant de sombrer dans le sommeil.

Salvatore avait dû la larguer à la porte de la résidence familiale ― plus proche que son appartement ― et les employés de maison la monter à l’étage, puisqu’elle se trouvait dans sa chambre d’adolescente, à deux pas de la fenêtre par laquelle elle avait tant de fois fait le mur… Plus par plaisir que par véritable besoin cela dit, considérant que ses parents se souciaient comme d’une guigne des heures auxquelles elle allait et venait. Elle traversa la pièce pour faire face au miroir à pied et se trouva le teint grisâtre. Des cernes violacés s’étiraient sous ses yeux depuis plusieurs jours maintenant et contribuèrent à la miner un peu plus alors qu’elle jetait un drap sur la glace et se précipitait dans la salle de bains attenante, son portable toujours en main. Une bonne âme lui avait coulé un bain; elle s’y glissa avec délice en consultant les messages qui bondaient sa boîte vocale. La voix agacée de Nunzio lui signalait son retard à quelques reprises, parfois d’un timbre teinté d’inquiétude, parfois en menaçant de partir illico presto si elle ne se ramenait pas rapidement. Entre deux appels de sa part, Salvatore avait laissé un message mi-cinglant mi-rassurant annonçant que les clichés et négatifs de la veille avait été récupérés par lui-même, le clapet du journaliste concerné fermé par quelques billets, et que c’était la dernière des dernières des dernières des dernières fois. C’était sa place qu’elle risquait à ternir ainsi son image!

Elle se mordit la lèvre avec agacement en supprimant pour ne plus entendre sa voix, et s’empressa de taper le numéro de Nunzio… avant de renoncer. Ils devaient se voir pour la prima colazione avant qu’il ne file en quatrième vitesse aux locaux du Devotion ― elle avait insisté pour le voir ce matin-là et il avait greffé un tête à tête entre deux rendez-vous. Et elle l’avait planté. Che idiota! Mais même s’en vouloir à mort ne suffirait pas à rattraper le coup, et des excuses par téléphones aigriraient plus qu’autre chose le jeune homme rancunier. Elle consulta son horaire, soulagée tout de même de n’avoir rien manqué d’autre, et s’empressa de quitter le confort bulleux de l’immense baignoire pour se sécher les cheveux, se vêtir et appliquer enfin, avec la rapidité que confère l’habitude, fond de teint, poudre, traits de khôl et de rouge à lèvre puis mascara.

Le temps s’était écoulé plus vite qu’elle ne l’avait pensé; l’heure d’un photoshoot fixé pour l’après-midi approchait dangereusement, risquant de mettre à mal l’opération « scusa e riconciliazione ». Autant pour les petits plats faits maisons. À moins que… Un rapide passage par la cuisine lui donna satisfaction : il flottait dans l’air une odeur délicieuse et le cuisiner l’accueillit avec un clin d’œil. « Il risotto al mascarpone con il funghi porcini », annonça-t-il en portant trois doigts à ses lèvres et en les embrassant avec emphase. « Un délice, susurra-t-elle en humant le fumet prometteur avec délectation. Tu permets que je t’en pique une portion? C’est pour la bonne cause. » Non qu’il puisse réellement le lui refuser, mais étrangement, elle s’était toujours appliquée à maintenir avec les principaux membres des personnels une bonne entente. Et pour cause ― toute l’affection et l’attention que n’avaient eu le temps de lui prodiguer ses parents lui avaient été offertes par eux. Gâtée, capricieuse, désagréable ou carrément odieuse, insolente, provocatrice ou royalement indifférente ― elle avait tout tenté aux différents âges auxquels les enfants s’amusent à tester les limites et à tirer sur la corde, curieux de voir si elle se rétracterait ou s’étirerait à l’infini. En l’occurrence, elle se trouvait dans le second cas : son père lui offrait l’argent, les opportunités, les sourires faux, les regards vides et considérait que cela était bien suffisant. Parfois il engageait une conversation, mais elle perdait rapidement son attention au profit de quelconques dossiers et se retirait du bureau sans même qu’il ne s’aperçoive de son départ, qu’elle claque la porte à l’en faire sortir de ses gonds ou s’en aille sans faire d’histoire. Quant à sa mère… leur relation était particulière. Donatella était plus une bonne amie qu’une matrone; une amie aux critiques acides avec laquelle elle n’avait qu’une chose en commun : son intérêt pour la mode. Elles se chamaillaient les trois quart du temps et employaient le quart restant à faire des emplettes, avant de s’asseoir sur une terrasse en savourant des gelato et en critiquant les passant. Puis les bises claquaient l’air, à distance, et elles se séparaient avec soulagement.

Alessia avait passé son adolescence à enchainer les conneries sous leur nez, des festivités effrénées aux soirées arrosées en passant par les plans culs insatisfaisant et un sextapes involontaire ― tout le monde en faisait un plat, mais pas eux. Jamais eux. Un hochement de tête pour une bonne note, un froncement de sourcils pour un échec, une mimique dégoûtée en cas de honte… Ils étouffaient toutes les conséquences des « écarts de conduite », blâmaient « l’âge bête », et c’était tout. Elle se souvenait d’avoir pris cela comme excuse pour expliquer ses dérapages : c’était pour les faire réagir, pour se venger de leur apathie, pour ternir l’image reluisante de leur parodie de famille, disait-elle. Ce n’était pas tout à fait juste, en réalité. Elle n’avait jamais avoué le vide qui la dévorait de l’intérieur, tissé de solitude et de doutes, qu’elle tentait presque désespérément de combler, au risque de sombrer. Le statut « célibataire » et le vide social l’effrayaient autant que d’autres craignaient l’enfer, mais elle était passée de bras en bras sans trouver ce qu’elle cherchait, de simili amitiés en mauvaises fréquentations sans s’en sentir plus entourée. Seule la crainte l'avait sauvée de la drogue à l'époque et empêchée d'y sombrer, à quelques tentatives près : on en parlait comme d'une chose ignoble, et l'euphorie des quelques « voyages » qu'on l'avait convaincue de tenter ne l'avait pas empêchées de garder plus ou moins les pieds sur terre, au moins dans ce domaine.

Une soirée caritative lui avait alors fait croiser la route d’un agent qui, bluffé par ses traits rendus lumineux par une multitude de soins, par sa chevelure blonde joliment rehaussée, son corps mis en valeur par un ensemble signé ateliers Versace, lui avait suggéré de se tourner vers le mannequinat. Elle avait fait semblant de se faire prier ― par habitude ― alors même que l’incrédulité et l’impatience brûlaient déjà en elle. Si les années étaient passées, particulièrement prospères du point de vue social et professionnel, il en était tout autrement concernant sa vie privée ― chaotique. C’était ce qu’elle appelait « i giorni bui », les jours sombres. L’avant Nunzio. Mais quoi qu'elle en dise, l'après lui n'était guère plus glorieux.

Les addictions avaient leurs revers : elle s’était peu à peu enfargée, étranglée par l’impression de ne plus rien valoir, la crainte de n’être pas à la hauteur des attentes des autres, une quasi paranoïa parfois, des rancœurs inexpliquées, le tout sur fond de dégoût, de haine envers elle-même souvent.